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samedi 29 novembre 2014

Le quai de Ouistreham, Florence Aubenas

Comment dire ?
Comment ne pas se sentir péteux en refermant ce bouquin, si l’on a passé sa vie dans le mainstream de la fausse sécurité qu’octroie un bon CDI ; un job agréable, intéressant, correctement rémunéré, des collègues qui sont devenus des amis ; quand tes problèmes se réduisent au choix des tropiques sous lesquels tu iras te faire bronzer le zona ; ou si ta prochaine bagnole LOA sera blanche ou noire, und so weiter...
Bref, farang-moyennement-classé, comme moi, tu as peu goûté au néo-paradigme post-thatcherien JPv2 (Job Précaire version 2.0), et comme moi, tu n’es pas une femme en position “fragile”... Je te vois sourire ; qu’est-ce que tu crois, hein ? Que les caissières de l’Inter sont des mecs ? Qui passe nettoyer ton burlif, après dix-sept heures, un mec ou une nana ? Qui récure tes chiottes ou repasse tes calcifs, quand tu la joues chèque-emploi-service, un mec ou une nana ? Etc.
On l’a tous compris, à moins d’être très cons, dès qu’il y a du fragilisé, du foyer mono-parental, du cassant, du sous-payé, sous-estimé, de l'éhontément exploité, du précaire, la première rafale est toujours pour vous, les frangines ; dès qu’il faut trimer, sucer, récurer, jongler, encaisser, se démerder malgré tout avec les mômes et le frigo, c’est pour vos gueules, les filles. De fait, l’ami Florence nous en propose une remarquable observation avec ce livre.

Ouais, la Aubenas, elle a pris son courage à deux mains, son âge (presque cinquante piges), ses rides, son faux curriculum vitae, et s’est inscrite à l’agence Pôle emploi de Caen.
La donzelle s’est immergé dans la fosse des travailleurs pauvres : descente spiralée dans le sordidos, dans la misère, dans l’aléatoire, l’ubuesque. Même les mecs de Pôle emploi sont dans la focale de cette monstruosité ; la frustration et l’impuissance sont des deux côtés du guichet.
Entre sa première inscription à Pôle emploi et l’obtention d’un CDI, il se passera six mois de galère ; deux heures par jour à récurer les cabines d’un ferry de Ouistreham ; deux heures par semaine à décrasser les bungalows du camping local, et autres heures grappillées de-ci de-là, qui, au final, donnent des journées avec levé à 4:30 du matin et des couchés à 23:00, pour des tarifs qui frôlent les neuf euros brut de l’heure et quelques dizaines de bornes au compteur de la vieille caisse gourmande et capricieuse entre chaque morceau de boulot. Un monde ou le summum est d’être caissières en CDI ! Des CDI à moins de 50 heures par mois ! Ça existe, ‘tain !

On se croirait dans The People of the Abyss (1903) de  Jack London ; c’est terrifiant !
Hé, le prochain qui m’esplique, chiffres zé courbes à l’appui, qu’il faut que la supérette ou Jardi-Reich soient ouverts le dimanche, ou qu’on peut faire bosser des gens à cinq balles de l’heure, ben, j’y colle recta un bourre-pif !


Merci amie Florence pour cette gifle de réalisme, pour cette bouffée de mauvais parfum des gens qui galèrent. Merci Florence de faire ton boulot et même un peu plus, et d’être le témoin viscéral des forçats du post modernisme, ceux qui vivent aux aguets et dans l’inquiétude. 
Encore merci et bravo ; Le quai de Ouistreham ? À lire ab-so-lu-ment !

Et, bien sûr, une grosse bise (avec la langue) au vieux Patriçounet doré, l’indéfectible ami, l’intarissable source des lectures nécessaires, et cependant, l'inique bourreau de la gente Patriçounette argentée.


Marianne



Ah ! ça ira, ça ira, ça ira…

dimanche 23 novembre 2014

Le chant du converti, Sebastian Rotella

Ah… Le nouveau Rotella ! Je le dois à la diligente et sympathique attention de l’ami Patriçounet ; faut ausi dire que je l’avais bien appâté avec le premier, Triple Crossing...

Bon, la semi-barbouze Valentin Pescatore remet le couvert. Ça se passe quelques piges après Triple Crossing, mais ça commence avant, à Chicago, avec le camarade Raymond.
Mais, bien sûr, il est impossible que je t’en dise trop, cuate !
Sauf, peut-être, que tu vas gagner des centaines de miles sur une quelconque International-Air-Line... Buenos Aires, La Paz, Paris, Madrid, Bagdad, etc. Tu vas voir du pays ! Sache qu’en outre il te faudra quelques fois te laisser pousser la barbe et maman mettra un mouchoir sur la figure, car tu vas devoir composer avec le terrorisme international, les réseaux islamistes européens et les mafia boliviennes. Gros décalages existentiels à prévoir !

Une drôle d’ordonnance que nous délivre là le docteur Rotella : attentats sanglants, kamikazes, narco-trafiquants, assassins, policiers véreux, émeutes et une curieuse sensation de dépaysement quand la castagne internationale se téléporte dans le neuf trois et dans Paname.

Tu vas aussi fréquenter de très près de redoutables acronymes tels que : GEOF, FBI, DEA, CIA, DCRI, et les poétiques mais sanguinaires Al-Qods, Hezbollah, Al-Quaïda…
T’inquiète, tu vas avoir du sang sur les pognes, farang-égorgeur !
Heureusement, il est possible que tu rencontres une charmante Fatima Belhaj, dont les ancêtres étaient gaulois, et qui réveillera l’humanité qui repose en ton caleçon.

Mais, soyons, clair, ça va péter dans tous les coins et le camarade Sebastian Rotella m’appert comme extrêmement bien renseigné sur la deus ex machina qui actionne subrepticement tout ce merdier géopolitique et mortifère. Je subodore que la toile de fond de ce global-polar est très proche de la sanglante réalité des années deux mille dix.

C’était simplement magistral.

Bravo à l’ami Sebastian et encore merci au vieux Patriçounez...





Tic, tac, tic, tac, tic, tac...

samedi 22 novembre 2014

Glacé, Bernard Minier

Ça y est, le polar français a définitivement perdu ses complexes.

Dès les premières pages, l’ami  Nanar nous chope par l’oreille et nous entraîne dans un snow movie palpitant sis en plein Comminges ; un environnement tellement hostile qu’il reste moins de dix couples de dahus en capacité de se reproduire et que même l’ours slovène ou la truite argentine ne survivent pas aux meutes de chasseurs néandertaliens ou de pécheurs à la mouche qui sévissent dans les vallées et le «gaves» éponymes, te dire si le pays est rustique…

Ben, en plein milieu de ce nulle part blanc et pyrénéen, tu vas côtoyer des cadavres exquis, des sociopathes internationaux, des flics toulousains.con, des juges douteux, de vilaines histoires de familles, des prédateurs sexuels, de blondes amazones gendarmettes qui roulent en… en… Ducat 848 (?).

Brèfe, si tu démarres ce srileure, farang.con, t’es fait aux pattes ; tu vas subjectivement te les peler pendant au moins quarante huit heures ; être définitivement dégoûté de la viande de cheval ; tachycarder comme un malade pendant sept cents pages et passer une nuit blanche dans la peau gelée, droguée, tuméfiée du commandant Servaz.

Bravo à l'aède Minier pour cette sanglante roulade dans la poudreuse midi-pyrénéenne et bien sûr, merci à Céline (™) pour m’avoir embarqué dans cette avalanche.con.



Equus Caballus Egorgeatus




Cherche apprenti sachant égorger les chevaux...

mercredi 19 novembre 2014

Robinson Crusoé, Daniel Defoe

Une très curieuse histoire que je vais te raconter là.

D’abord, Robinson, je l’ai escaladé par la face suisse et le sherpa s’appelait J.-R. Wyss.
Il s’agissait de toute une famille qui s’échouait sur l’île, avec clebs, bétail et toute la basse-court. C’était une tribu très industrieuse, et elle est à l’origine d’une des premières colonies de la fédération helvétique, et ce, grâce à une organisation sans failles et surtout grâce à la rigueur toute protestante de sa foi. Ça, de la bondieuserie, t’en bouffe !

Ensuite, la puberté à peine débordée, c’est le vieux Bill qui s’occupa de mon éducation para-littéraire et son truc à lui, ce vieux coyote, c’était Tournier… Et Tournier ceci, et Tournier cela, bref, je me suis retrouvé avec Vendredi où les limbes du pacifique dans les pognes.

Bon.

Passent quelques décennies, et l’aut’ nuit, donc, alors que je traînais ma prostate chez les filles, je regardais avec nostalgie la mini-bibli qu’elles ont agrégé en ce “lieu” aux fils des années, et là, entre un Spirou et un Harry Potter : le vrai Robinson Crusoé (folio junior édition spéciale). Un truc de quand la petite devait zoner en six ou cinquième. Je feuillette, c’est annoté ; elle a dû trimer dessus, je souris avec indulgence... et brusquement TILT : je me rends compte que je n’ai jamais lu le vrai Robinson Crusoé !!!
Tu parles d’un choc, heureusement, j’étais assise.

Je n’ai alors fait qu’écouter mon enthousiasme, au début du moins ; les tribulations océaniques du jeune et presque rebelle Robinson ; deux ans d’esclavage chez les barbaresques, l’évasion, et ensuite la tempête, le naufrage, le premier atterrissage, l’île, la nature hostile, tout çà…
Et puis, au fur et à mesure du massacre, je me suis calmé.
Ok, le récit démarre en 1709, et je veux bien admettre que Les Lumières propres à ce siècle n’avaient pas encore éclairé tous les recoins, mais à partir du moment où le Crusoé est sur son île ça devient beaucoup moins exaltant. Il flingue tout ce qui bouge, remercie la providence et le Seigneur pour l’avoir foutu dans cette merde toutes les quatre pages et finalement traitera Vendredi comme un animal domestique.
Ce type est un parfait connard, c’est l’archétype du loup de Wall Street ou de la grosse tête qui a décidé qu’il fallait éventrer le Canada pour que Gaïa crache son pétrole… c’est un pur salop !
Il traite mieux son flingue que son chien où ses chèvres ; Vendredi ne sera jamais qu’un meuble ; ce mec n’a rien appris durant ses vingt-sept piges de réclusion, il ressortira de l’aventure droit dans ses bottes et repartira vers l’Angleterre comme s’il n’avait pas évolué d’un iota. Ch’serais mêm’ pas étonné qu’il ait repiqué dans un quelconque trafic d’esclaves, peu après...

Finalement, je n’ai pas bien apprécié le “vrai” Robinson ; ce "vrai" chrétien ne m’est pas sympathique.

Désolé, mais c’est le vieux Bill qui avait raison, le Vendredi de Tournier est largement supérieur au Robinson de Defoe. Le Robinson de l’ami Michel est plus plastique, plus ambigu et finalement bien plus épicurien ; ses rapports à la nature, à Vendredi, au temps, etc., le font évoluer vers de plus en plus d’humanité. À la fin, Il ne partira pas de son île et restera “chez lui”, en son royaume.
Quel contre-pied, mon cadet !


©Miss Bean





Vendredi, je suis ta mère…

jeudi 13 novembre 2014

Vergniaud, de la tribune à l’échafaud, Elsa Gribinski

Voila l’homme de la révolution.

Lamartine avait donné le ton : Vergniaud c’est l’Aigle de la révolution, son oeil et sa voix.
La figure de proue de la Gironde ; le mec dont l’éloquence était capable de retourner l’auditoire d’une Assemblée législative ou d’une convention nationale. Mais ce n’est pas que cela Vergniaud, c’est aussi un ami de Condorcet, c’est un pur héros de la Révolution, il ne flanchera pas en 93 et se livrera à la géhenne en chantant La Marseillaise.
Le procès des quarante députés de la Gironde qui ouvre la Terreur ne compte que vingt-et-un gagnants ( Brissot, Vergniaud, Gensonné, Guadet, Viger, Lasource, Duperret, Carra, Faucet, Ducos, Fonfrède, etc.), et il occupa les audiences du Tribunal révolutionnaire des 24 au 30 octobre 1793. Ce fut une mascarade ; la pantomime tourna court car encore une fois, l’éloquence de Vergniaud eût pu faire basculer les jurés, et voyant venir le coup, les méchants Saint-Just, Robespierre et Fouquier-Tinville qui régnaient déjà en petits maîtres ce 31 octobre 1793 (10 brumaire de l’An II) préférèrent la jouer plus courte : Tchac… Tchac… Tchac !

Les Girondins, l’intelligence et le moteur de l’élan révolutionnaire, n’ont jamais su que se tirer une balle dans le pied, et la camarade Elsa Gribinski ne manque pas de le rappeler à la page 437 :

Au siècle suivant, Hugo, posant longuement son regard sur l’année quatre-vingt-treize, distingue, sous la Plaine, le Marais, « stagnation hideuse laissant voir les transparences de l’égoïsme » : « Ils avaient tous les courages de la lâcheté ; ils préféraient la Gironde et choisissaient la Montagne ; [...] ils versaient du côté qui réussissait ; ils livraient Louis XVI à Vergniaud, Vergniaud à Danton, Danton à Robespierre, Robespierre à Tallien. [...] Chanceler, c’était trahir. Ils étaient le nombre, ils étaient la force, ils étaient la peur. De là, l’audace des turpitudes. De là, le 31 mai, le 11 germinal, le 9 thermidor ; tragédies nouées par des géants et dénouées par les nains. »

Ce Vergniaud ? Un homme formidable qu’il me tardait de rencontrer et d’écouter depuis si longtemps et, maintenant que la chose est faite, je ne crains pas de le dire, la gente dame Elsa Gribinski nous offre à travers cette minutieuse étude du personnage, et surtout, de ses discours (presque tous !), un des plus beaux livres connexes à la période 1789-1793, Frankreich...
Un déroulé des évènements absolument remarquable de ces quatre années tectoniques dans un texte qui obéit à un schéma récurent ; une mise au point contextuelle extrêmement précise de quelques pages en guise de révélateur, suivi de la parfaite rhétorique d’un discours enflammé ou d’une lettre sentencieuse de Vergniaud tenant lieu de fixateur ; et on progresse ainsi par bonds successifs dans l’univers d’un homme qui fabriquait de l’Histoire.

C’est simplement superbe et poignant, et ma mie Elsa m’a remarquablement hameçonné pendant quelques hecto-minutes.

Farang-Fouquier-Tinvillien, je ne saurais trop t’inciter à me voler ce livre, mais hélas, je connais la rectitude morale qui t’empêchera de perpétrer cet horrible forfait et te laissera ignorant, et curieusement satisfait de cette triste condition. Quel dommage !

Merci Elsa, merci pour cette merveille, je sais maintenant que nous sommes toutes les deux amoureuses de Pierre Victurnien.

Pierre Victurnien Vergniaud





What else !

lundi 10 novembre 2014

Un monde magique, Jack Vance

Premier livre du cycle “Terre mourante” (The Dying Earth, 1950), cet opus assez singulier sera suivi par les deux Cugel et Rhialto le merveilleux.


Dans un futur fort, fort lointain, au moment où la lune a disparu (?) et où le soleil est presque mort, ne reste sur la Terre que les arts millénaires de la magie et de la sorcellerie en guise de technologie.

Le jeune magicien Turjan de Mir se doit de reconquérir maints savoir oubliés et, pour ce faire, voyagera jusqu’en Embellyon afin consulter le grand magicien Pandelume, dernier détenteur de tous les secrets de cet art presque perdu.


Décadence, sortilèges, démons, terres hantées, jeunes gens en quête d’avenir et déjà le souffle baroque de la griffe du maître.


Cela dit, le bouquin est assez déstabilisant en première lecture car saucissonné en plusieurs aventures assez disparates et laisse soupçonner une compilation de nouvelles.
Je te l’avoue, farang-rosicrucien, ce n’est pas mon livre favori et notons que par la suite le dabe à bien redressé la barre ; il faut cependant commencer par ce tome car il plante le décor de la saga de Cugel qui, elle, sera une véritable ode à ce personnage unique et malicieux…


Notons aussi la superbe couverture d’un Druillet au mieux de sa forme (sûrement en pleine période Lone Sloan)


Merci papa Jack, je vais maintenant reprendre une vie normale et me réserver la suite pour le mois prochain… et oui, je vis sous la botte d’une PAL en perpétuelle expention et qui est sans cesse à me rappeler à mes devoirs !


©PAL




Je vous demande de ne pas faiblir...

Les maîtres des dragons, Jack Vance

Un petit break s’imposait, histoire de reprendre une respiration, et puis, un blogo-machin s'appelant 4269 de la Carène et où figurerait moins d’un Jack Vance par an ne ferait pas très sérieux, non ? Après tout, c’est bien Jack Vance qui est le père putatif de fils@papa.
C’est donc chose faite, je renoue avec le vieux.


Ce texte est sorti en France dans un Galaxie de 1962, puis en roman en 63.
Celui que j’ai pioché dans ma vénérable bibli était paru chez Presses Pocket en 79 avec une couverture de Siudmak.


Un univers à la Jack Vance, donc, baroque et extravagant.
Aerlith, petite planète des confins, abrite les derniers humains. Hélas, de façons assez récurrentes, elle reçoit la visite d’une race spacio-pérégrine, les Basiques, très laids et très hostiles, qui tente d’éradiquer les ultimes poches d’homo-sapiens.
Heureusement, Joaz, le seigneur de Val Banbeck a oublié d’être con et ce brillant jeune homme va organiser la défense des siens. Il faut aussi souligner qu’il possède une armée de dragons sinon domestiqués, du moins entraînés au combat et nous assisterons à de furieuses mêlées entre les méchants estraterrestes et moultes Jaggernauds, Tervagants, Califourches et autres Unicornes ; brèfe, ça va saigner et ces enfoirés de Basiques vont méchamment morfler. 



Merci au dabe pour ce souffle de jeunesse !


John Holbrook Vance





Fils@papa, je suis ton père…

dimanche 9 novembre 2014

Le pain nu, Mohamed Choukri

Une autobiographie.

Une plongée dans l’extrême misère des années 1940-50 du Maroc.

L’ami Mohamed Choukri a eu une jeunesse de merde : la faim en leitmotiv, une maltraitance extrême, un père alcoolique et déserteur de l’armée espagnole qui assassina son petit frère un soir où il pleurait trop. Le jeune Mohamed s’échappera de la “maison” dès qu’il le pourra car le vieux n’est pas toujours en tôle et ce vaurien cogne sur tout ce qui bouge quand il est chez lui : sa femme et ses enfants, etc.
Sauf que la vie en plein air dans le Maroc de ces années là, ben, c’est pas du gâteau ! Même pas du pain !
Mille misères, embrouilles, crapuleries. Mille façons de survivre, une découverte de la sexualité absolument déplorable, et surtout mille exemples de la maltraitance des femmes en particulier et du plus faible en général. Maltraitance toujours inversement proportionnelle au niveau d’éducation des mâles…
Hè, les filles, en parlant de cela, j’espère qu’il existe un hachetague du genre : #éduquons_un_mâle !
Brèfle !

Mais le petit gars Choukri, auto-élévé à la dure dans les sévères conditions qui transpirent de ce livre a eu sinon la conviction, du moins le courage nécessaire pour s’extraire du merdier séculaire dans lequel il était englué, il a appris à lire et écrire à vingt piges, et, qui plus outre, il est devenu écrivain ; te dire le parcours, te dire si tout peut refleurir !

J’ose subodorer qu’il a eu une vie plus sereine que promise par le contexte “laborieux” de ses débuts et surtout, qu’il n’a jamais, ô, jamais cogné sur sa femme… ou ses enfants.

Bravo et merci pour la leçon, monsieur Mohamed Choukri.






Y a pas d’méhéhéhé...

jeudi 6 novembre 2014

Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain

Und, Fragment sur l’Atlantide

Il y a un peu plus de deux-cent-vingt ans (fin 1793), aux pires heures de sa vie, alors qu’il se terre chez Mme Vernet et que l’Incorruptible Maximilien (Robespierre, pour les deux ou trois étourdis qui débarqueraient de Tau Ceti Central) tenait absolument à le faire couper en deux, l’ami Marie Jean Antoine Nicolas écrivit cette Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain.
Ah, bordel, ce mec croyait vraiment à ce qu’il faisait. Là, au seuil de sa vie, seul, persécuté, presque vieux, il arrive encore à garder un regard lumineux et optimiste sur l’épopée de l’homo-sapiens. Bien sûr, cette histoire il la voit plus courte et plus simple que ce que l’on en sait deux cents ans après, mais il en perçoit l’essentiel, il décèle une progression dans l’émancipation des peuples et des individus dès lors qu’ils suivent quelques règles assez simples : justice, éducation, liberté...

En dix tableaux qui formalisent sa vision de cette odyssée, il dissèque notre passé, puis son présent, et puis un peu de son futur - notre présent, donc.

Depuis les premiers hommes qui s’extraient du règne animal en s’organisant de façon de plus en plus complexe ; en domestiquant ; en cultivant ; en inventant le dessin puis l’écriture (une mémoire à l’échelle d’une espèce) ; il s’arrête ensuite longuement sur les grecs, ceux qui ont tout formalisé ; puis il continue en fustigeant d’importance le règne des romains, des barbares et finalement des rois et des curés (ch’ais pas bien ce que lui ont fait les jésuites, mais il les aime pos !) ; mais aussi pour louer l’avènement de l’imprimerie, des Lumières, de la science, de l'émancipation et de la liberté par la connaissance, du rejet des superstitions séculaires ou, plus généralement, des ségrégations en tous genres ou couleurs et, bien sûr, c'est un libéral, de la libre circulation des biens et des personnes...
Dans le Fragment sur l’Atlantide il propose même une perspective sur ce qu’il faudra faire dans le futur (le sien), du genre : une académie des sciences universelles, laisser les femmes occuper leur véritable place, etc. Des trucs dingues, disons.


Tu le vois, farang-zadiste, il s’agissait bien là du dernier des précurseurs !


Cela dit, on c’est tous fait baiser par Rousseau : non, l’homme n’est pas naturellement bon, et il vit dans l’enfer des Autres.

Merci au ci-devant Caritat... pour la lecon, et pour l'exemple.







Dorcet ? Il était loin de l'être...

dimanche 2 novembre 2014

Condorcet, Elisabeth & Robert Badinter

Un intellectuel en politique

Décidément, je n’en démords pas : qu’est-ce que c’est bien de lire une bonne biographie.

Ne ris pas, farang-indécrottable, je t’assure que pour mézig c’est aussi jouissif que s’abîmer dans le Cycle de Tschaï de papa Jack Vance ou le Dernier Royaume de tonton Pascal Quignard, surtout quand les deux plumes qui ont créé cette petite merveille de sept cents pages appartiennent au couple Badinter et que le sujet de leur minutieuse et aimable attention s’appelle Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet.

Toi aussi, tu pensais que Condorcet n’était qu’un nom de lycée ou une rue dans le 9e (Métro Poissonnière), hein ? Ah, putain ! On était loin du compte ! L’ami Jean Antoine Nicolas c’était pas du bidon...

Dans les années 1770 il est cul et chemise avec du beau monde, du gros calibre. C’est bien simple, je les appelle la bande des 4 : Voltaire, Turgot, d’Alembert et Condorcet ; le quadriumvirat  de l’intelligence des années 1770-1780, le dernier feux des Lumières ; les ennemis jurés des Necker, des Malesherbes, des curés, des mauvaises manières des aristo et de la gabegie en général. Ce sont des “libéraux” qui à l’instar d’un Tocqueville, lorgnent attentivement sur ce qui se passe en Amérique.

Affirmatif, l’ami Nicolas est déjà un très grand monsieur, très grosse tronche, une sommité géométrique et philosophique, quand il débute en politique (1774).
Calcul intégral, économie, contribution au Supplément de l’Encyclopédie, éducation, les poids et mesures, la fiscalité, la législation, la justice (je comprends mieux qu’il ait aussi intéressé Badinter), etc. ; rien ne le rebute il excelle dans maints domaines.

...
1781, Epître dédicatoire  aux nègres esclaves...
Mes amis,
Quoique je ne sois pas de la même couleur que vous, je vous ai toujours regardés comme mes frères. La nature vous a formés pour avoir le même esprit, la même raison, les mêmes vertus que les Blancs. Je ne parle que de ceux de l’Europe ; car, pour les Blancs des colonies, je ne vous fais pas l’injure de les comparer avec vous ; je sais combien de fois votre fidélité, votre probité, votre courage ont fait rougir vos maîtres. Si on allait chercher un homme dans les îles d’Amériques, ce ne serait point parmi les gens de chair blanche qu’on le trouverait… Votre suffrage ne procure point de places dans les colonies ; votre protection ne fait point obtenir de pensions, vous n’avez pas de quoi soudoyer des avocats : il n’est donc pas étonnant que vos maîtres trouvent plus de gens qui se déshonorent en défendant leur cause, que vous n’en avez trouvé qui se soient honorés en défendant la vôtre… Je sais que vous ne connaîtrez jamais cet ouvrage, et que la douceur d’être béni par vous me sera toujours refusée. Mais j’aurais satisfait mon coeur déchiré par le spectacle de vos maux, soulevé par l’insolence absurde des sophismes de vos tyrans. Je n’emploierai point l’éloquence, mais la raison ; je parlerai non des intérêts de commerce, mais des lois de la justice.
Vos tyrans me reprocheront de ne dire que des choses communes, et de n’avoir que des idées chimériques : en effet, rien n’est plus commun que les maximes de l’humanité et de la justice ; rien n’est plus chimérique que de proposer aux hommes d’y conformer leur conduite.
...

Ponte de l’Académie des Sciences, il est élu à l’Académie Française en 1782 ; il demeure cependant bon comme le pain, droit comme la justice, modeste comme… comme… merde, j’en trouv’ pas dans mon horizon politico-événementiel, dis-donc ! Faudrait trouver un mec de l’Académie qui outre sa puissance éditoriale littéraire et journalistique serait capable de t’expliquer ce qu’est un objet de Thorne-Zytkow tout en ferraillant dans toutes les arènes politiques pour les plus nobles causes qu'il soit permis de défendre.
T’en vois beaucoup des hommes de ce calibre, toi ? Il te vient un nom à l’esprit ?

Nous plongeons dans l’intimité d’un humaniste surdoué et d’un véritable républicain à l’heure où ce n’était pas encore la mode ; il sera de tous les combats : abolition de l’esclavage, égalité des femmes, éducation gratuite et universelle… Pfiou ! Il ne lui aura manqué que l’éloquence, quel dommage !
Cependant, le bon Condorcet va vite passer pour un mouton enragé dès 1789. Ouais, ses copains aristo ne vont pas bien aimer sa haine des curés et de la noblesse, car il a choisi son camp et n’en démordra jamais… jusqu’à en mourir (mars 1794) en s’empoisonnant dans sa cellotte, frustrant ainsi l’ogre Robespierre qui voulait le masicotter avec les autres grossium de la Gironde : Brissot, Bussot, Vergniaud, Louvet, Pétion, etc.

Bon, tu l’auras compris, farang-montagnard, ce pavé des amis Badinter m’a véritablement subjugué, sans compter que j’adore cette période de notre histoire francaouite et que rien ne m’est plus agréable que d’entrecroiser les personnages de cette époque formidable.
Je veux tout connaître de nos pères fondateurs.
Alors, bien sûr, je vais maintenant m'intéresser de plus près à des calibres comme Vergniaud, Desmoulins, à ces salauds de Marat, Hébert et son Père Duchesne, etc., car à force de les côtoyer à travers les Michelet, les Lamartine, les Mona Ozouf et autres Max Gallot, je décide maintenant qu’il me faut en avoir le coeur net, qu’il me faut tout savoir de ce morceau d’histoire… de mon histoire.
Y a pas, ça me possède, ‘tain !
Tant pis pour vous.

Merci à toi, Ô aimable Condorcet, Ô lumière d’au moins cinq de mes nuits, et merci à monsieur et madame Badinter, ce fut un bonheur.


©Hécate




1767 : Du problème des trois corps.