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lundi 31 août 2015

Le journal de Jeanne, Mario Mercier

Bon, je m’en doutais depuis longtemps, le gars Mario Mercier est totalement fou ! Génial, mais fou. Ce type m’a scotché il a longtemps avec «L’Odysée fantastique d’Arthur Dément» (1976), et voilà que plusieurs décennies après je mets la pogne sur ce Journal de Jeanne (1969).
En fait, je croyais qu’à part la formidable odyssée d’Arthur, l’ami Mario ne donnait que dans le chamanisme et l’ésotérisme de mauvais aloi… Brrrr, j’étais pas pressé.
Pis y m’arrive ce truc dans les esgourdes, sûrement intercepté sur France-Cul : il existe un deuxième roman de Mario Mercier, aussi barré que son Odyssée ceci-cela et lisible par tout un chacun, même si ce “chacun” n’est pas un adepte forcené du chamanisme. Le journal de Jeanne, donc. Le texte en est même largement antérieur ; comme quoi cézigue n’a pas toujours été possédé par l'existentialisme ésotérique. Non, il s’agit plutôt de sa facette Sade-Lautréamont-Poe, avec une touche du Moine de Lewis (pas celui de Artaud) ; un texte extrêmement fantastique et fantasmé, dont l’intrigue se déroule à la lisière molle d’un univers cruellement parallèle et fascisant.

Ce petit chef d’oeuvre est classé à tort dans la littérature érotique, voire pornographique, et c’est une grosse connerie : viendrait-il à l’esprit de quiconque de trouver quoi que ce soit d’érotique dans le «Salo ou les 120 jours de Sodome» de Pasolini ? Non, bien sûr ; la folie poétique et une certaine extravagance esthétique du sadisme ne sont pas les apanages caractéristiques des bouquins et des films de fesses.
Le journal de Jeanne se situe plutôt dans le registre du fantastique flamboyant ; le lire c’est entrer dans un monde à la Giger, la couleur en plus.

Bon, je vois bien que tu ne me crois pas, que le doute t’habite, aussi me faut-il te convaincre avec ces quelques lignes tirées au hasard :

...
9 mars.

Me voici de retour chez moi après un bref arrêt dans une grande ville pour y effectuer quelques emplettes. C’est avec un vif soulagement que j’ai quitté ce royaume de viande crue, de pierres et d’argent. Son rut artificiel éclabousse encore mes oreilles. Sa marée d’avortons et de vivants morts a failli m’absorber. De peu, j’étais moi aussi condamnée à la temporalité de la bêtise et à la finalité du quotidien. Si je n’avais pas eu les moyens financiers suffisants pour leur faire face et les oublier, je tâterai en ce moment de leurs excréments.
Je hais le collectif.
(page 32)

Singulier, non ?

Cela dit, et bien que ça ne l'empêche pas d'être génial, je n’en démords pas : l’ami Mario à vraiment un énorme problème avec la gent féminine ; vraiment, ça tourne pas rond dans son caleçon...



©Giger



Jeanne… Oh, Jeanne...

dimanche 30 août 2015

Le tour de France par deux enfants, (cours moyen) G. Bruno

Quel incroyable livre, mes cadets ; mais c’est simplement magnifique !
Et avec la distance, ça prend une saveur… mais une saveur !
« Y a pas, Angela, un jour vous nous rendrez l’Alsace et la Lorraine ! »

J'avais désormais dans les pognes le livre de lecture de l’école de la Troisième République. Oui, le vrai, l’unique, sorti dès la fin des événements militaro-navrants de 1871 et qui eut droit de cité jusque dans les années 1970. Te dire le succès de l’ouvrage ! Te dire aussi le plongeon dans l’ambiance d’une Nation, d’un Pays, mutilé par l'impéritie de Napoléon III et par la goinfrerie prussienne de Otto von Bismarck et de sa marionnette Guillaume Ier ; Sedan, etc.

Bref, prépare-toi à reprendre l’Alsace & la Lorraine, chère tête blonde, c’est la toute jeune Troisième République qui te le demande ! C'est le point de départ, la racine de cette odyssée.

Alors voila, il s’agit de deux petits orphelins, André (14 ans) et Julien (7 ans), et dont le père, veuf, serrurier et se voyant mourir, leur fait promettre de redevenir Français. Et ouais, ils habitent dans la mauvaise partie de la Lorraine, ils sont désormais prussiens, ‘tain… ça lui a pas plu au dab ! André et Julien sont deux bons petits gars, il ne leur viendrait pas à l’idée d’aller contre les dernières volontés du pater familias, et dès qu’icelui est enterré, les voilà qui organisent leur fuite vers le pays du lait et du miel, la Terre Promise : Frankreich, nous voila !
Oui, il existe un tonton, en froid depuis plusieurs années avec leur daron, qui les accueillerait certainement, là-bas, à Marseille.

Commence alors cette formidable pérégrination de nos deux jeunes héros dans la France des années 1870 ; un proto-Tour-de-France, en somme.
Ville départ : Phalsbourg (Lorraine, Prusse).
Première étape : Épinal (Vosges, France).
Bien sûr, ils ne parcourent pas l’étape dans la journée, loin s’en faut, et ils vont déjà avoir leur content d’aventures avant d’y arriver. Quant à parvenir à Marseille, c’est pas demain la veille ! T’imagines bien qu’ils ne partent pas avec les fouilles bourrées de kopecks, va y avoir de la démerde, forcement. Mais attention, jamais de conneries ou autres indélicatesses que la morale réprouve ; c’est pas des petits rom chapardeurs ou des kaïra du 9.3. avec kalach en pogne, ‘tain ! Non, c’est carrément l’inverse ; chaque chapitre, et il y en a CXXVII, débute par une petite maxime telle que :

«Ce qu’il y a de plus beau au monde, c’est la charité du pauvre.»
«Le frère aîné doit instruire le plus jeune par son exemple et, s’il le peut, par ses leçons.»
«La prétendue baguette des fées était moins puissante que ne l’est aujourd’hui la science des hommes.»
«Le pays le plus heureux sera celui où il y aura le plus d’accord et d’union entre les habitants.»
«Les routes, les fontaines, l’éclairage sont des choses dont chacun profite : il est donc juste que chacun les paie pour sa part
«Soumettons-nous à la loi, même quand elle nous parait dure et pénible
«Un grand homme de l’Amérique disait : - Si l’on demande à quelqu’un quel pays il aime le mieux, il nommera d’abord le sien ; mais, si on lui demande ensuite quel est le pays qu’il voudrait avoir comme seconde patrie, il nommera le France.»
Etc.

Ici et maintenant, ça laisse rêveur, non ?
Mais tu l’auras compris, farang-houellebecqien, elle était pressée la jeune République, et quitte à faire du copier-coller des vieilles messes judéo-chrétiennes d’antan, il s’agissait de vite fabriquer une morale républicaine qui justifierait les épousailles fusionnelles de concepts tels que  «Nation» et «Patrie» dans un petit bouquin exaltant et facile à diffuser dans toutes les écoles.
Il faut aussi te figurer que nous allons découvrir toutes les merveilles agraires, artisanales et industrielles qui font la France d’alors : des hauts fourneaux de Lorraine en passant par la manufacture d’armes de Saint-Ètienne et les mûriers de vers à soie du Dauphiné, puis en suivant la route Napoléon (souvenons-nous que dans un premier temps ils doivent se rendre à Marseille), nous découvrons toutes ces merveilles d'ingénieries patriotiques. La France des artisans, des pêcheurs, des paysans, des commerçants, des camelots, des P.M.E. et de l’industrie lourde naissante. Un parcours initiatique pour nos deux jeunes gens et qui ne s’arrêtera pas à Marseille (ouf) car le tonton étant marinier (ou charpentier de marine), il est parti à Bordeaux. Le tour de France continuant, nous empruntons à sa suite le Canal du Midi, toujours en participant à d’autres aventures d’une moralité irréprochable ; puis nous embarquerons sur un véritable navire qui appareillera de Bordeaux pour remonter le Golfe de Gascogne et ainsi tenter de rallier Dunkerque, non sans avoir fait naufrage dans l'intervalle !

Et pour ajouter encore à l'intérêt de cette pépite, dans les débuts de leur périple, le petit Julien à affuré, fort élégamment, un livre qui va les suivre partout. Il s’agit de la vie des grands hommes qui marquèrent notre beau royaume de France. Sache qu’ils ne s'endormiront plus sans avoir consulté le pedigree de tous les glorieux ancêtres qui marquèrent les contrées traversées.
Je suppose que tous les petits français qui ont lu ce bouquin firent comme je viens de le faire, et qu’ils attendirent avec impatience que ces deux petits merdeux traversent leur pays natal afin de découvrir que même chez eux, la France, la Sainte Patrie, pouvait se targuer d’avoir trouvé quelques gloires qui la firent plus grande et plus belle. Moi, par exemple, je suis très satisfait de Riquet, La Pérouse et Cujas… 
Et ouais, ce coup d’éplucher les Grands Zommes de chaque région est un coup de génie ; on y trouve tous notre compte, que tu habites les Quartiers Nord, le Mirail, les Minguettes, ou les 4000, il y a forcement un mec dont tu seras fier d’être le follower.

C’était un bouquin tout simplement génial... serais-je un de ces nouveaux réacs dont on nous rebat les oreilles ?

Ce dont je suis sûre, c’est que d’une façon ou d’une autre je vais le bailler ce livre pour que si un jour, n’en déplaise aux Dieux des métastases, je me retrouve grand père, c’est ce livre que je lirai à mes petits nenfants (en plus du cycle de Tchaï... et des textes d’Olympe de Gouges, si ce sont des p’tit’-fillottes, cela va sans dire).

Encore merci à l'ami Steph pour avoir consenti à ce que pareille merveille tombât momentanément dans mon escarcelle ; merci !

Alsace Lorraine





Je vous demande de nous les rendre...

mardi 25 août 2015

Chasse Royale, Rois du Monde, Deuxième Branche I, Jean-Philippe Jaworski

Cri d’exclamation :
Comment ça, Deuxième Branche “I” ? !
Ce truc, là, dans le titre, juste derrière “Deuxième Branche”, le “I”, c’est quoi ?
Une faute de frappe ; un “i” majuscule ; un “L” minuscule... ou un “1” ?
Bordel, je rêve !  C’est un putain de “1” !
Je viens de galoper rapidos à la dernière page et ça finit comm’ ça :
«Fin de la première partie.»
Putain, Jean-Phi, une demi-branche tous les deux ans ? Mais tu veux notre moreux !
Bon, attends, et quitte à pleurer, faut vite que je me mette une bouffée de Lacrimosa

Oups ! Ça va mieux, Sniff… C’était ça ou je me suicidais au Papier d’Arménie(™) !


Tu te souviendras nonobstant, farang-pâtre-grec, qu’il s’agit du deuxième récit qu’un Bellovèse désormais vieux raconte à son hôte de passage. La palabre de la première nuit fut consacrée aux péripéties de la jeunesse de notre héros et de son frère Ségovèse ; voici la deuxième palabre.

Première partie de la seconde branche, donc ; Bellovèse fils de Sacrovèse et Belinos, prince Turon et prince de Biturgie a gagné la guerre il y a deux ans dans notre réalité, et il y a neuf ans dans la sienne - ça veut donc dire que dans le cadre d’un univers einsteinien, on s’éloigne de ce récit à un pourcentage élevé de la vitesse de la lumière, non ?
Quoi qu’il en soit, le truc qu’on capte assez vite, c’est qu’il ne pète plus le feu cézigue, il n’a pas fait grand chose d’héroïque durant ces neuf années ; son oncle, le Haut Roi Ambigat lui a refilé la casquette de préfet d’un bled paumé, le Gué d’Avara (Bourges, 18000) dans laquelle il prend du gras avec femme, enfants, maîtresses et tout l’apanage d’un petit bourgeois de province. Un peu plus et tout ce petit monde s’endormait avant la fin du banquet, dis donc !
Heureusement, une sorte de malédiction s’abat sur le royaume, presque les dix plaies d’Égypte ! C’est du sévère, les Dieux sont en pétard ; invasions d’algues rouges, pluies de grenouilles et de bénitiers, multiples invasions d’insectoïdes extraterrestres, règles douloureuses chez les ménagères de moins de quarante ans, et je t’en passe !
Une seule soluce, pense alors le Haut Roi Ambigat (dont Obélix sera le p’tit-p’tit-p’tit-etc-fillot) : organiser un banquet dans la forêt des Carnutes, chez Orbiotalos, le Capo d’Autricon, et, après les libations d’usages, sacrifier quelques prisonniers malchanceux aux Dieux courroucés… si, si, ça devrait le faire… Allons-y, les gars !
Et voila tout le ban et l’arrière ban en route pour Autricon (Chartres, 28000).

Tu te figures bien que Bellovèse est de la partie, un peu plus empâté que dans le tome 1, certes, mais toujours vif… et il va vite reprendre de la ressource… et il a vachement intérêt, le banquet va être mouvementé !

Autant j’ai été précis et rigoureux dans la description du début de cette Chasse Royale, autant il va me falloir maintenant devenir métaphorique, sybillin, voire abscons car Messire Denix me battrait si j’en disais trop et, comprenons-le, il aurait raison : il brûle de la lire cette deuxième demi-branche, il veut la consommer non coupée, comme une drogue très pure, car oui, Jaworski c’est d’la bonne ! C’est même la Cadillac de la dope ; dès le premier fixe de Jaworski, tu sais que tu ne pourras plus t’en passer. Et comme toutes les bonnes choses, elle est rare.
Alors, pour en dévoiler un peu plus, disons que les druides ont un rôle central dans cette histoire. Y rigolaient pas les ancêtres de Panoramix, déjà t’as vu la merde qu’ils ont mis dans la première branche ; la guerre était de leur faute. Rien d’étonnant après tout, ce sont les arrièr’-arrièr’-arrièr’-etc.-Grand-Pères des jésuites, te dire les fouteurs de merde ! Nonobstant ces enfoirés ont l’oreille de Dieux qui existent vraiment à ce moment là, et ouais, en 600 avant Jean-Claude personne n’a encore entendu parler de Voltaire, Nietzsche, Heidegger ou Gauchet ! De plus, y a des drôles de zigues qui traînent sur le parcours de l’ami Bellovèse, il va devoir se coltiner avec la branche armée des zécolos zadistes de la forêt des Carnutes ; avec un champion de catch, lointain ancêtre de Ben-Hur ; une meute de coyote ; un banc de méduse, etc.
Jusqu’à l’avatar anentropique de Nicolas Hulot qui lui confira, dans les dernières pages, qu’il sent déjà venir le coup d’une déforestation massive si on laisse trop faire les p’tits gars de Wall Street !
Bref, il va avoir tout loisir de se décrasser les deltoïdes, les rectus abdominis et autres triceps brachii, tout en crachant neuf ans de Cohiba et de banquets républicains !
Bien fait pour sa gueule, tu me diras, ça lui apprendra à avoir roupillé sur ses lauriers durant neuf ans et de nous avoir fait patienter pendant deux des nôtres !


Bon, je ne m’en suis pas trop mal sorti, non ? J’ai pas trop spoilé, hein ? Oui, à part pour Nicolas Hulot, je te l’accorde.

En guise de conclusion, laisse-moi cependant te délivrer une petite mise en garde, ami futur lecteur de cette chasse royale ; il faut savoir que l’imprimeur a chopé la tremblante du mouton électrique, ouais, une sorte d'idiosyncrasie oulipienne et runesque qui tend à lier deux consonnes d’un même mot par un zigouigoui hémisphérique des plus déstabilisant. C’est, bien sûr, non pas tant le rendu, fort celto-artistique et globalement plaisant, je te l’accorde, qui est gênant dans cette façon de coder, que l’espèce de debug involontaire mais obsédant que va tenter ton neurone pour essayer de comprendre les itérations logiques qui lient telles consonnes, et pas telles autres… la consonne déclenchante étant le “s”, mais attention, pour que le zigouigouix survienne, toujours à sa droite, il faut qu’elle soit suivie d’une autre consonne… en fait, ch’uis mêm’ pas sûr d’avoir compris la règle, car j'ai cru voir des "p" et peut être certains "t" opérer de la sorte : ça m’a rendu fou tout le premier chapitre, il m’a fallu le recommencer tant je ne faisais plus gaffe au contexte. Si ça c’est pas du code malicieux de jésuite, je rends ma bure, bordel de Dieu !

Ok, ok, c’était super ami Jean-Philippe, et encore merci car comme d’hab’ le texte est toujours aussi puissant, ciselé, palpitant et quasi-historiographique, mais je n’ose pas trop le clamer haut et fort, tu pourrais faire ton Bellovèse, prendre du gras et la grosse tête, et devenir encore plus fainéasse que tu ne l’es présentement ; il serait alors probable que nous dussions attendre encore des dix et des vingts ans les suites encyclopédiques et de plus en plus distantes des formidables pérégrinations de ce Roi du Monde…


©tontons flingueurs


T’inquiète, Jean-Phi, on est là pour te motiver.
Si j’entends plus les tac-tac-tac-tac de l’Underwood,
on commencera par une balle dans le genoux...

jeudi 20 août 2015

Le sentiment du fer, Jean-Philippe Jaworski

Cinq Nouvelles dans ce petit recueil de l’ami Jean-Philippe et comm’ d’hab avec cézigue, c’est du cousu main !

Si j’ai bien compris, il s’agit de bricoles éditées à droite ou à gauche dans diverses publications plus ou moins confidentielles et compilées ici dans une version «poche» des Moutons Électriques, de sorte que même un pauvre couillon comme toi, farang-contingencé, aura loisir de se plonger à nouveau, et avec délice, dans les arcanes à peine phantasmées de la République de Venise sise entre le XIe et XIIIe siècles. Évidemment, sous la griffe du Podestat Jaworskix, ça prend des airs de République de Ciudalia, an 781 du comput royal ; une terre et un royaume qui ne nous sont pas étrangers depuis Janua vera et surtout de Gagner la guerre.
C’est donc l’univers de la première nouvelle :

- Le Sentiment du fer

La meilleure pour mézigue, celle qui prête son titre au recueil ; ici, on y est plein fer dans la République de Ciudalia, et Cuervo Moera le «Chuchoteur» va faire montre d’une remarquable maîtrise de son art de monte-en-l’air pour perpétrer le forfait qui lui a été commandité.
Un régal.

Les quatre autres nouvelles me semblent non pas moins intéressantes, car l’écriture du maître est toujours ciselée, que sûrement plus classique, déroulant, certes parfaitement, le bestiaire convenu de l’Héroïc Fantasy à la papy Tolkien : des elfes, des sorciers, des nains, un dragon (m’enfin, presque), etc.
Il s’agit de :

- L’elfe et les égorgeurs
(Méfiance, bien que frêle et cacochyme, l’elfe reste fourbe)

- Profanation
(Bien mal acquis ne profite jamais)

- Désolation
(Station Dragon, tout le monde descend)

- La troisième hypostase
(Le Père, la Fille et le Saint Esprit chez les Elfes)

Ceci dit, ça reste de la très belle ouvrage ; incontestablement ce qui se fait de mieux dans le genre ici et maintenant ; je me serai bien appuyé deux ou trois cents pages de plus...

Bravo l’ami Jean-Philippe, c’était que du bonheur, ’tain ! C’est vrai, quoi ; j’ai même été obligé de me plonger dans les wikis de choses exotiques telles que : «huscarle», supracomite, cortile, etc.
On va bientôt être imbattable sur les habitus tant sociologiques qu’architecturaux de la noble République de Venise ; encore une fois bravo.

Et, bien sûr, merci à l’ami Denix qui m’a aimablement baillé ce livre pour la semaine.
.



©Frazetta





Je vous demande de ne pas foutre la première hypostase en rogne...

dimanche 16 août 2015

100% Laclos, N°8

Le voila le vieux salopard qui a bouffé mes vacances !
Michel Laclos  (1926-2013).

Quarante grilles du Maître dans cette huitième compile estivale du Fig-Mag.
Quatre semaines de tablature acharnée, compulsive et déraisonnable. Et ouais, on parle bien là d’une très longue et constante addiction à un «auteur», quand bien même serait-il verbicruciste.

Si peu tant est que l’on aime la langue de nos anciens - forte prédilection pour celle de Molière, en ce qui me concerne -, s’investir dans une grille 20x20 de Laclos c’est s’immerger dans la plastique des mots, ces briques sémantiques qui sont la base de ce que les homininés un tantinet évolués ont jamais fait de mieux : proposer une description plus ou moins concensuelle du réel par le biais de la communication.
Et quoi de plus glissant, de plus complexe ou insaisissable et pourtant de plus convenu qu’un mot, hum ?

Un Laclos c’est un hymne à la polysémie par le truchement d’un extraordinaire sens de la définition. Car oui, Laclos se détache totalement des autres verbicrucistes par la «qualité» d'icelles. Elles sont toutes en finesse, érudites, malicieuses et pudiquement grivoises ; elles trimballent immanquablement des parfums à la Eugène Sue, des pointes de folie à la Quenaud & Pérec et la gouaille d’un Boudard.
L’ami Michel se joue de nos reflexes ontologiques pour souventes fois prendre à contre pied nos raccourcis convenus et faire cohabiter moultes définitions dans le même mot (trois cents pour IO, par exemple).

Ok, tu veux du concret, en voici :


Pigeon voyageur = TOURISTE
Allemand dans la résistance = OHM
Règle imposée par la droite = IOL
Endroit à l’envers = UEIL
Bleu sur les fesses = LEVIS
Le bleu de la mer = MOUSSAILLON
Donnait des coups de fils = ESTOC
Fauteur de guerre littéraire = FEU
Demeure très fraîche = INAMICALE
Ont un double langage = VENTRILOQUES
Auto-stoppeurs = FREINS
Le père du mec = DAB
Panier garni = CRINOLINE

Et ça : Mal dit = AÏE
Ou encore ça : À pris un coup de cane ? = EET

Et celle-là, absolument jubilatoire quand tu la trouves :
“Son envers n’y est pas reçu” en 3 lettres = ENA
Et cette autre, sûrement des plus remarquables :
“Ouverture du feu par derrière” en 8 lettres = EISPOTUA
(il y a des esprits définitivement rigides qui ne la comprennent pas, même quand on donne la soluce !)

Hé, je me souviens d’une fois où pour m’acquitter de la définition : “Que du blanc pour Rimbaud” en vingt lettres, il a fallu que je pose vingt fois la lettre “E” sur la même ligne, et si encore une fois tu ne comprends pas de quoi il est question c’est que tu n’a jamais lu “Voyelles” de Rimbaud ; et à ce moment là, de deux choses l’une : ou tu te procures la poésie idoine en sorte de goûter le sel de la plaisanterie crucificatoire, ou les grilles de Laclos te seront à jamais étrangères (désolé).
Tu comprends maintenant que MÔssieur Laclos est un auteur éminemment respectable ; un “fils du DAB”, un "MEC" qui ne possédait que le certificat d’étude et qui pourtant nous tient en haleine depuis plusieurs décennies…

Y a pas, faire un Laclos c’est suivre en même temps une leçon de français, de philo, d’histoire et de sémantique tout en jubilant. C’est une communion avec la langue française à la hauteur d'un Lacrimosa du réquiem de Mozart… Une jouissance mystique !

Avertissement gratuit aux gens de la “Dépêche du Midi” et du “Fig-Mag” :
Je sais, le maître est mort depuis deux ans, mais sachez que dès qu’il n’y aura plus ses grilles dans le Fig-Mag du vendredi ou dans le programme télé dominical de la Dépêche, il n’y aura plus de contribution de ma part à ces deux glorieuses publications hebdomadaires, et pour montrer que ce n’est juste pas vénal, je m’engage à reverser annuellement la centaine d’euros correspondante au denier du culte !  

À bon entendeur salut, et à dimanche prochain.


©Georges Nespresso



What else ? en six lettres :



vendredi 14 août 2015

Histoires d’amour de l’histoire de France, Guy Breton

Attention, farang anarcho-situationniste, mil cent dix sept (1117) pages au compteur pour cette compilation de l’histoire de France vue du côté de la bistouquette.

Mais d’abord, j’ai bien peur qu’il te faille souffrir un début de commentaire dithyrambique, prohibitif et très certainement superfétatoire, mais que veux-tu, il a une histoire, lui aussi, cet Omnibus champion de natation, et qui n’était pas à moi…

Once upon a time, le Padre Hugo.
Tu commences à le connaître toi aussi, c’est un tenace, quand il a mordu dans sa proie, il ne la lâche plus et, tel les grands prédateurs que sont le coyote et la méduse, il finit toujours par l’avaler. Adonc, il y a au moins six mois, cet énergumène me refourgua ce précieux volume (la prunelle de ses yeux, précisa-t-il en prenant un air corse), me le vantant comme une sorte d’épiphanie historiologique des grands zommes ardents au déduit ; l’apothéose de la braguette en ce beau Royaume de France, disons. Vue l’ampleur de la tablature qui m’attendait - ça reste quand même cinq bouquins en un -, je me l’étais réservé pour les vacances, et le pauvre s’est retrouvé empilé, sur mon bureau…
Je sais désormais la malignité des piles de livres, elles ont une vie totalement autonome, elles évoluent, gagnent insidieusement du terrain ; une sorte de «techtonique des piles» sur un bureau, certes assez conséquent, mais hélas doté d’un périmètre finalement peu extensible et, la deuxième loi de la thermodynamique aidant, forcement, il y arrive des accidents, des fois…
Et l’autre soir, un maladroit l’a baptisé à la Tripel Karmeliet, l’Omnibus de l’ami Hugo !
Dans le feu de l’action, je l’avoue, je n’ai pas réalisé l’ampleur des dégâts collatéraux car le déluge belge tentait d’abord de noyer tous les préparatifs d’un apéro digne de ce nom ; mes coreligionnaires de bamboche et moi avons d’abord sauvé d’une fatale submersion les ingrédients essentiels à la satisfaction immédiate de nos vices, et je ne te parle pas de tranches de riflard ou d’olives fourrées aux anchois, non, il s’agissait de choses extrêmement volatiles et onéreuses qu’il était hors de question de voir sombrer dans un océan de bière à deux balles !
Bon, ok, le lendemain (?), en plus de la barre qui me cisaillait le crâne entre l’aire de Broca et le girus pariéto-occipital (pleure, souffre, pleure), j’ai commencé à mieux comprendre la situasse : au moins deux piles de bouquins avaient assisté de trop près à la brasso-thérapie fatale de la veille en sorte que leur base respective barbotaient encore dans un écumat de chimie lourde et internationale (Hollande, Belgique, Afghanistan et cartel de Medelline).
Un Hennig Mankell : «Le cerveau de Kennedy», (Points Policier, n° P2301), avait vaillamment essuyé la première vague du tsunami diogénien mais s’en était retrouvé fort marri ; irrémédiablement foutu, même la colle de la tranche était désintégrée : poubelle ! 
Hélas, le bouquin de Hugo était le deuxième candidat aux bacchanales et il a bu bien plus que de raison  : il est totalement niqué à partir de la pages 834, ‘tain ! Et tiens-toi bien, en plus d’avoir méchamment gondolé au séchage, les cents dernières pages ont quadruplé de volume et luisent la nuit… sans dec, je pourrais déposer un brevet si je le voulais ; je les plie en accordéon et je les fait brûler dans ma cabane au fond du jardin ; ça remplace avantageusement le Papier d’Arménie® et, à respirer, ça donne une ambiance vachement plus Scarface ; quand je trône, j’ai maintenant l’impression d'être Tony Montana et, dès qu’un bruit suspect trouble mes inquiétudes alpaciniennes, il m’arrive de tirer à travers la porte en gueulant :
« Snif, snif… Qu’est-ce que tou crois, pétit’ fiote, qué Sergio Montana est un encoulé ? Snif, snif... Tatatatata!!! »
(calme, calme, calme… respire, Tony)

Bref, et tu l’auras deviné, j’ai été obligé de commander un nouveau «Guy Breton, Histoire d’amour ceci, cela, tome 1» à Penthésilée (fille d’Arès et d’Otréré, comme chacun le sait) afin de pouvoir légitimement rendre quelque chose de non pas tant usuraire que simplement entendu à l’ami Hugo.
[...]
Ouf, il vient de boîtalettrer et il est nickel, voire même plus neuf que l’original.
...

Alors, pétit’ fiote, j’avais raison ou pas ? Tu vois bien qu’il y avait une histoire à raconter ce contenant ; parlons enfin (!) du contenu.

Plouf, plouf...

Cinq bouquins, donc :

- Les amours qui ont fait la France
- Les grandes dames de la Renaissance
- La cour du Vert-Galant
- Les favorites de Louis XIV
- Le siècle du libertinage

Ça démarre en 492 avec la Clotilde de Clovis ; on enchaîne (580) avec les Audovère et Frédégonde de Chilpéric et la Brunehaut de Mérovée (fils de Chilpéric et de Audovère) ; viennent ensuite Dagobert et sa Nanthilde (la reine qui fut le plus trompée de l’Histoire) ; puis nous voila déjà (741) au contact de la Bertrade de Pépin le Bref ; enfin arrive Charlemagne et sa cohorte de gonzesses: Himiltrude, Désirée, Hildegarde, Fastrade, Liutgarde…

Hé, sais-tu que pour lors nous n’en sommes qu’à la page 31 ?

Ouais, farang-inconnu, je ne vais pas pouvoir rester plus longtemps exhaustif, la tâche serait trop immense car elles sont pléthore ces femmes qui ont écrit l’Histoire, toutes ces magnifiques salopes qui tinrent les rennes du royaume en farfouillant dans les braguettes royales ; des malignes, des connes, des éclairées, des méchantes, des gentilles ; reines, favorites, maîtresses, régentes ; mères, femmes, sœurs, cousines… Et d’ailleurs, pourquoi auraient-elles été différentes des hommes qu’elles côtoyaient, hum ?
Je peux cependant t’en piocher quelques figures significatives :
Aliénor d’Aquitaine, d’Angleterre et de Bretagne, hein ? C’était pas de la meuf de première classe, çà ?... 
Et la Diane de Poitiers, et la Catherine de Médicis, et la Reine Margot, et la Gabrielle d’Estrée, et l’Agnès Sorel, et la Marguerite d’Angoulême, et la Anne d’Autriche, etc…

Voila, ça dure plus de milles ans sur plus de mille pages !
Une histoire qui va de Clotilde à Mme Duplessis, des Francs à la Révolution, disons.

Merci les amis Guy et Hugo pour cette magnifique entame du mois d’août 2015 !
C’était savoureux et interminable.


©Scarface



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