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jeudi 17 décembre 2015

Le Côté de Guermantes, Proust

À la recherche du temps perdu III

Note, farang-salafiste, que dans le coffret folio de la version papier que je possède, ils n’ont pas osé le faire en un seul tome, ce «Le Côté de Guermantes», ils nous ont pondu les numéros 2005 (350 pages) et 2006 (420 pages), alors que la Kindle me balance le truc en un seul blot... 
Hein ? Bien sûr que je lis Proust sur ma liseuse… Comment ? L’odeur du papier ? Ben, je m’en passe, et l’encre délavée sur le papier jauni, itou ! Lire avec une liseuse, une vraie (pas une tablette couleur, donc) c’est incomparablement plus «commode». Non, le seul avantage des folio-papier c’est que tu peux les affurer d’occas chez ton bouquiniste favori et qu’après lecture tu peux les prêter. C’est en cela que le livre en version papier reste supérieur ; tu l’achètes (légalement, on est bien d’accord, il faut que tout le monde vive), tu le consommes et ensuite tu le passes à ton prochain-chain ; pas de DRM ou autres saloperies “propriétaires”, et tout cela reste parfaitement légal. Et ouais, tout le monde n’a pas une liseuse, acheter des bouquins “papiers”, plutôt qu’électroniques, reste donc un choix simplement plus “éthique”, presque judo-chrétien, car survit ainsi une notion qui semble tomber en désuétude, je parle du partage ; un partage sinon alimentaire, du moins presque transsubstantiationnel, une sorte de Cène bibliotudinalisée, mettons… Tiens, par exemple, la e-version de la Recherche ne m’aurait pas permis de la partager avec la championne “toutes catégories” de mes cobayes favoris, et je la nomme, la noble (mais hélas ebookless) Françoise, l’égérie de notre Cyber-Dream Team et, accessoirement, la seule qui soit suffisamment affûtée pour au moins survivre au premier tome de la Recherche ; la pauvre pédale encore bravement dans les premiers cols de «Du coté de chez Swann», si bien que ça fera demain huit jours qu’en représailles elle «oublie» de me filer sa recette des madeleines, mais bon…


Le Côté de Guermantes I
Après la saison à Balbec du tome précédent, retour vers la Capitale.
Déménagement dans la foulée ; changement de quartier, d’immeuble, etc.
Cette bonne vieille Françoise - pas notre championne, hein ? non, il s’agit de la cuisinière du narrateur - revient sous la lumière depuis que nous la découvrîmes dans le premier opus. Tu te doutes aussi qu’icelui, émotif et fragile des nerfs comme il est, ne goûte pas bien la manœuvre. Heureusement, qu’il trouve à s’occuper en essayant de draguer la Duchesse Oriane de Guermantes, il en deviendra même assez lourd, si bien qu’il part s’exiler quelques temps à Doncières, sous prétexte d’aller voir son camarde Saint-Loup, élève officier d’un Saint-Cyr imaginaire et surtout, neveu de la fameuse Mme de Guermantes… Et ouais, il n'arrête jamais de calculer cet animal, ce fourbe ; la Guermantes, m’est avis qu’il veut l’approcher par la bande…
Le voila donc "presque" enrégimenté et apprête-toi à une rude séance sur la chose militaire, car autant dans les deux premiers volumes on a becqueté notre content de fleurs d’aubépines, humé le vétiver ad nauseam, halluciné sur des robes aussi improbables que les femmes qui les portaient étaient inaccessibles, et reçu maintes leçons de peintures, de poésies ou de théâtre, etc., autant ici tu vas en savoir plus que trop sur la stratégie militaire qui sévissait dans les écoles d'officiers de la fin XIXe : des pages et des pages… Au secours !!!
Chais pas, un coup de mou ? J’ai failli renoncer, dis-donc !  Plus de quarante-huit heures de blocage ; j’ai lu un Tintin (Vol 714 pour Sydney), comblé mon retard de Philosophie Magazine, et de L’Histoire (à ce sujet, celui qui traîne en ce moment chez ton libraire, «Le Proche-Orient de Sumer à Daesh» est remarquable, à lire absolument ! ) ; bref, c’est toujours mauvais signe quand tu commences à traîner des pieds pour ouvrir un bouquin, et rappelle-toi qu’il m’a fallu un sacré coup de collier et l’aide de l’affaire Dreyfus pour sortir de l’impasse ;  j’espère que ça aura été ma seule faiblesse...


Le Côté de Guermantes II
Ensuite c’est la grand-mère qui entre en agonie, la description est terrible, ce salaud de Marcel ne nous épargne rien, les premières attaques, les soubresauts, les râles, les ballons d’oxygène ; le théâtre de la mort.
Et puis, la vie continuant, plongée dans les pince-fesses précieux organisés par les grandes bourgeoises parisiennes. Nouvelles proies en vue pour la concupiscence de notre jeune et priapique narrateur, puisque Albertine est maintenant “acquise” ; encore quelques longueurs en perspective donc.  
Heureusement qu’il y a le clivage sociétal autour des rebondissements de l’affaire Dreyfus pour mettre un peu de peps dans cette morne et pathétique enfilade de salons où l’on dîne dans un entre-soi répugnant de vulgarité aristocratique. Ces gens sont vraiment faux, fourbes, futiles et étriqués.
Et comme si la mesure n’était pas suffisante, tu te souviendras, farang-onomastique, que notre pauvre narrateur est depuis toujours sujet à un singulier tropisme de guermantophilie, tout ce qui touche aux Guermantes le passionne viscéralement, et encore une fois, tu vas finir par en savoir bien plus que nécessaire sur la tribu qui se refile ce patronyme depuis le crétacé supérieur… famille d’emmerdeurs, oui !
Un personnage très intriguant prend cependant un rôle de plus en plus intéressant dans ce théâtre de faux-culs : Palamède de Guermantes, baron de Charlus. Hé, chais pas bien où il va nous entraîner, celui-là, mais on tient peut-être un champion du coup fourré avec cézigue !

Bref, dans cette deuxième partie, on se fait quand même un peu chier, des fois, d’un ennui riche et “hyper de luxe”, soit, mais cette façon de nous étaler la fatuité de ce «pur gratin de l’aristocratie» est pénible à la longue. Ça n’en finit plus.


Voila, je boucle l’étape avec le grupetto et franchement, s’il ne s’agissait du titre, sinon alléchant, du moins terriblement équivoque du prochain opus, il eût été possible que je renonçasse à poursuivre dans cette terrible et éprouvante montée de la Recherche…

 





Proust m’a tuer...







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